Quand le réveil sonne à 6h30, nous n'avons tout simplement pas la force de nous lever. En outre, ayant plu toute la nuit, on compte sur une heure de rab pour que le soleil sêche la tente... L'excuse est pour le moins bidon puisque le soleil est bien loin derrière les nuages :)
Et le fait est qu'à 7h30, nous ne sommes pas plus en forme et la tente pas plus sêche. Comme chaque matin de bivouac lorsqu'il a plu, je m'occupe de ranger l'intérieur de la tente pendant qu'Aurel éponge l'extérieur. Généralement, ayant fini avant lui, je prépare ensuite le petit-déj en attendant. Quand on s'y prend bien, l'eau frémit quand nous plions la tente et la bâche et elle boue quand on n'a plus qu'à s'installer (confortablement, ah non...) pour apprécier le café du matin :)
Aujourd'hui, bien qu'ouspillés par la pluie qui s'est levée en même temps que nous, nous ne sommes en selle que vers 9h45. D'ici quelques kilomètres, nous quitterons l'Argentine pour toujours... Nous roulons donc en direction de la douane sur une piste pas trop désagréable... Si ce n'est les passages boueux qui collent à nos roues ! Mais à une moyenne de 9 km/h, on peut dire que c'est convenable.
Nous approchons donc du poste dans un décor absolument superbe ; des formations rocheuses roses sortant du sol désertique et créant un contraste étrange avec les montagnes blanches en toile de fond.
Et plus nous avancons, et plus les couleurs sont douces et chaudes s'harmonisant tendrement avec le bleu du ciel.
Devant les douaniers, nous sommes d'autant plus centre d'intérêt que personne ne passe pratiquement jamais par là... Sur leur registre, les derniers passeports inscrits remontent à quatre jours et aujourd'hui, nous sommes les premiers. Très sympathiques mais vraiment pas pressés, ils nous tamponnent enfin nos passeports au bout d'une demi-heure !
Nous profitons pour faire le plein d'eau car il ne nous reste que 8L ; c'est juste assez pour la journée et ce soir mais pas pour demain.
Il est déjà près de 13h, du coup, nous déjeunons sur place avant de repartir à l'assaut du Paso de Sico, un col à 4079 m. Un panneau indique qu'il n'est plus qu'à 19 km ; nous reprenons, confiants. Après une fausse alerte due à quelques gouttes de pluie, nous aurons finalement droit à un soleil radieux. Ouf ! Moi qui nous voyait déjà refranchir un col sous la grêle...
La piste est assez roulante et nous commencons à grimper dans les belles roches roses vues de loin toute à l'heure ; on se régale. Et puis... en sortant de ses murs protecteurs, nous subissons soudainement un vent de face terrible ! Il est si violent qu'on ne peut plus pédaler. Nous descendons des vélos et poussons nos montures... 1 km, 2 km, 3 km... Nous plafonnons à 4 km/h grand maximum et luttons contre les rafales.
Au bout de 11 km d'efforts intenses, nous franchissons la frontière argentino-chilienne.
Adíos Argentina ; c'est bizarre de se dire qu'à priori, on ne reviendra jamais...
Enfin, pas le temps de philosopher car nous sommes toujours en plein vent qui doit frôler les 100 km/h (ca nous rappelle une fameuse sortie vélo à Etaples...), lui, et le col est encore à 8 km. Moi, je suis déjà au bout du bout du rouleau ; j'aimerais bien arrêter là, même s'il n'est que 16h30. L'ennui c'est que nous sommes dans un désert avec aucun abri contre le vent aux alentours... Pas le choix, il faut continuer.
Heureusement, la laisse est là et Aurel m'aide ainsi en tirant mon vélo... Mais nous devons pousser si fort contre le vent que nous sommes pratiquement allongés sur nos guidons, le corps presque à l'horizontal ! Je craque plusieurs fois, à pleurer sur des souvenirs chaleureux : le divin gâteau au miel de Ségo, une bonne soirée au coin du feu chez Jacques et Marie-France, une raclette mémorable à Gérardmer, ou encore un japonais entre keunelles, un bon "What Else" avec les ptis collègues... Bref, je suis à bout.
Aurel me réconforte tant qu'il peut, m'assurant que là, juste derrière la montagne, on devrait pouvoir s'arrêter à l'abri. Alors, on repart... Finalement, derrière la montagne, c'est pas mieux ! Nous voici donc contraints de nous fabriquer un "windbreaker", comme on dit dans le jargon des cyclos, c'est-à-dire un paravent de fortune avec des pierres et creusé dans le sol.
Par chance, le soleil brille encore car le vent est polaire ! Au bout d'une bonne heure d'aménagement (et de rencontres avec des scorpions trouvés sous les pierres), le meilleur moment de la journée : nous sommes allongés dans la tente. Alleluia !
Distance : 33 km - Temps : 5h11 - Moyenne : 6,4 km/h